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Une Asie chinoise ?

International. Vaste ensemble continental et maritime de 43 millions de km2, l’Asie est un immense pont entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique et fait de plus en plus figure de nouveau centre du monde, partagé entre l’influence de géants économiques et démographiques tels que la Chine, la Russie, l’Inde et le Japon.

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Une Asie chinoise ?

L’ensemble asiatique peut être divisé en vastes sous-ensembles : « l’Asie des moussons » ; l’Asie continentale, délimitée au nord par la ceinture himalayenne s’étendant sur plus de 3 000 kilomètres et formant « l’Asie des montagnes » ; l’Asie centrale, se poursuivant jusqu’à l’ouest avec le Moyen et le Proche Orient ; enfin la plaque eurasiatique dont les limites européennes avaient été fixées arbitrairement au niveau des monts Oural par Vassili Tatichtchev au XVIIIe siècle. Cet immense ensemble géographique, quasiment impossible à délimiter précisément, en particulier au seuil de l’Europe et de la Méditerranée, rassemble les plus grandes puissances de la planète dont la rivalité peut être dangereusement aiguisée par la volonté de contrôler les ressources et les points de passage stratégiques de cette région du monde. L’Asie centrale en particulier apparaît comme un nouvel Eldorado énergétique. La vraie richesse de cette région, grande comme l’Union européenne et peuplée comme la France, réside en effet dans le potentiel d’exploitation considérable de ses sous-sols, avec les gisements géants pétroliers et gaziers du nord de la Caspienne, encore difficiles à exploiter cependant, en raison de leur profondeur. Tengiz, situé à 3 600 mètres sous terre, ou Kashagan, découvert en juillet 2000 dans la même zone à 5 000 mètres sous terre, pourraient faire entrer le Kazakhstan dans le club des cinq premiers producteurs mondiaux, au côté de l’Arabie Saoudite… et des États-Unis.

L’Asie, nouveau centre du monde ?

La Chine ne s’y est pas trompée et investit à l’heure actuelle des milliards de yuans dans le projet de la « nouvelle route de la soie », initié en grande pompe lors du premier mandat présidentiel de Xi Xinping. Le projet n’est cependant que la face la plus visible d’une vaste reconquête stratégique visant à assurer une voie d’accès privilégiée pour la circulation terrestre des produits chinois et pour son approvisionnement énergétique. Le « Corridor de transit international Europe occidentale-Chine Occidentale », lancé en 2009 par le programme de Coopération Économique de l’Asie Centrale (CAREC), ou le gazoduc géant reliant le Turkménistan et le Kazakhstan à la Chine, illustrent cette politique de développement pharaonique. La création de la Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures (BAII) s’inscrit elle aussi dans cette logique. Cette structure financière a pour objectif non seulement de garantir plus efficacement le développement de la région, mais également de se poser en concurrente directe du FMI et de la banque mondiale, et donc de rivaliser avec le leadership économique mondial des États-Unis d’Amérique. L’autre carte que joue la Chine est celle du Pakistan, avec la mise en place du corridor économique Chine-Pakistan (CPEC) qui doit relier sur 3 000 km le port de Gwadar, construit presque exclusivement grâce à des fonds chinois, au Xinjiang, province qui s’impose aujourd’hui comme un pivot stratégique pour Pékin.

La chute de l’URSS a créé en Asie centrale un vide que la Chine s’efforce désormais de combler, bien que la Russie conserve des liens historiques, culturels et militaires forts avec des États comme le Kazakhstan, qui reste encore son plus fidèle allié dans la région, ou le Tadjikistan et le Kirghizistan, deux États qui craignent avant tout la pénétration islamiste en provenance de l’Afghanistan. Si les “larmes du diable” – dit-on au Turkestan pour nommer le pétrole et le gaz – attisent les convoitises, les “larmes d’Allah” – l’héroïne et le cannabis afghan et kazakho-kirghize – fournissent aussi une manne providentielle pour tous les mouvements islamistes, terroristes et narcotrafiquants qui les expédient vers la Russie ou vers l’Europe via la Turquie et l’Iran¹.

La Chine, maîtresse de l’Asie ?

Les ambitions chinoises ne sont cependant pas tournées seulement vers l’Asie centrale, loin de là, mais également vers la zone que les Chinois nomment avec un peu trop de précipitation la « mer de Chine », une forme de mare nostrum pas vraiment appréciée par les voisins du vaste Empire du Milieu qui se rêve désormais en puissance maritime et en nouvel empire global. La mer de Chine fait l’objet, de la part de Pékin, de revendications qui inquiètent fortement ses proches voisins et conduisent dans la région à une escalade militaire inquiétante. La Chine a considérablement musclé un appareil militaire qui doit lui servir à satisfaire ses ambitions de puissance globale en devenir… au détriment des pays de la région et des États-Unis d’Amérique.

La stratégie d’expansion chinoise consiste donc aussi à tenter de contrôler le vaste espace maritime que constitue la mer de Chine, bordée par le Japon, la Corée du nord, la Corée du sud, la République Populaire de Chine, Taïwan, le Vietnam, la Malaisie, Brunei, l’Indonésie et les Philippines. La construction de la « Grande Muraille de sable » et la « stratégie des petits pas » menée par Pékin depuis les années 1990 amènent la RPC à être en conflit avec tous ses voisins pour des questions de droit maritime et de revendications territoriales. La découverte, en 1995, de constructions militaires chinoises sur les bien-nommés récifs Mischief², dans l’archipel des Spratleys, avait déclenché une crise diplomatique entre le gouvernement chinois, le Vietnam, les Philippines et les États-Unis, venus au secours de leur allié philippin. Dès son arrivée au pouvoir, Donald Trump a décidé l’envoi du porte-avions USS Carl Vinson et de plusieurs bâtiments militaires en mer de Chine, afin d’adresser un « signal clair » à Pékin pour lui interdire « l’accès » aux îles disputées de la mer de Chine du sud où le géant asiatique multiplie les constructions.

Néanmoins, si durant 70 ans les États-Unis ont dominé militairement les airs et les mers de l’Asie orientale, bénéficiant d’une liberté de mouvement presque totale, ce n’est plus le cas aujourd’hui, selon une analyse produite par Michael Beckley dans la revue International Security du Massachusetts Institute of Technology³. Selon Beckley, l’amélioration considérable des capacités d’interdiction de la Chine, capable de frapper navires et appareils américains jusqu’à 800 kilomètres de ses côtes, remet en cause cette domination. Mais selon les conclusions du rapport⁴ du RAND Arroyo’s Center Strategy, sur les possibilités et les conséquences d’un affrontement sino-américain en mer de Chine, aucun des deux adversaires ne serait en mesure de remporter une victoire décisive. Un conflit long rendrait l’issue encore plus incertaine, car les facteurs non-militaires et la dimension économique du conflit joueraient alors un rôle déterminant. Ainsi, la Chine risquerait un épuisement de ses réserves stratégiques au bout de dix jours. Les retombées mondiales seraient tout aussi spectaculaires. Même en écartant la possibilité d’un conflit continental et de l’emploi de l’arme nucléaire, le Pacifique-ouest transformé en zone de guerre bloquerait 40 % du commerce maritime mondial qui transite par cette zone. Les pertes humaines seraient donc limitées, mais l’impact économique du conflit aurait des conséquences bien plus désastreuses pour la planète entière, l’argument de la terreur économique remplaçant celui de la terreur nucléaire.

Pour autant, la remise en cause d’une domination américaine sans partage sur la zone Asie-Pacifique ne signifie pas l’avènement d’une hégémonie chinoise incontestée pour la simple et bonne raison que les États-Unis peuvent s’appuyer sur la montée en puissance des capacités défensives des voisins du géant chinois qui s’emploient à renforcer autant qu’ils le peuvent leurs appareils militaires. L’exemple de Taïwan à lui seul est probant. Pékin considère toujours le rattachement de l’île comme une priorité stratégique qui permettrait d’achever enfin la guerre civile et de disposer d’un « porte-avions insubmersible » l’autorisant à étendre son influence sur tout le Pacifique ouest. En admettant même que la Chine puisse anéantir une partie des dispositifs antiaériens de Taïwan, ses 86 véhicules amphibies seraient capables de débarquer 26 000 hommes en 8 heures sur les côtes de l’île face aux 150 000 hommes de l’armée taïwanaise. Même une tentative de blocus de l’île se révélerait difficilement envisageable pour la Chine qui ne dispose encore que d’une flotte de sous-marins diesels largement déclassée. En mer de Chine orientale, où Pékin et Tokyo se disputent le contrôle des îlots Senkaku⁵, la marge de manœuvre militaire de la Chine est même encore plus réduite. L’avantage dont disposaient les Forces de Défense Japonaise dans les années 1990 est peut-être aujourd’hui moins marqué mais il reste largement suffisant pour s’opposer efficacement aux menées chinoises. Le scénario se vérifie même avec des voisins moins puissants de la Chine. Dans l’archipel des Spratleys, la modernisation des moyens d’interdiction de zone dont disposent le Vietnam, l’Indonésie ou la Malaisie permettraient à ces nations d’infliger de lourdes pertes à des forces chinoises opérant loin de leurs bases. La précision des missiles à moyenne et longue portée autorise aujourd’hui les « petites » nations d’Asie du Sud-Est à défendre efficacement leur territoire là où, par le passé, elles auraient dû se confronter à la puissance chinoise en utilisant leur flotte de guerre, une confrontation qu’elles auraient sûrement perdue. Si la Chine a suffisamment développé ses capacités d’interdiction pour pouvoir remettre en cause la supériorité américaine dans la région, ses plus proches voisins appliquent la même logique à son détriment. Pour satisfaire ses ambitions, la Chine devrait développer une capacité de projection qu’elle n’a peut-être plus les moyens de s’offrir dans une phase de ralentissement de la croissance économique.

Une région sous tension

La montée en puissance de la Chine, devenue en 2010 la deuxième puissance économique mondiale devant le Japon⁶, fait à nouveau évoluer l’équilibre mondial : peu à peu, la zone Asie-Pacifique devient le nouveau cœur du commerce mondial et de l’économie globale. Et ce vaste territoire, dans lequel se concentrent aussi 60 % de la population mondiale⁷ est désormais l’objet d’une compétition acharnée entre les principales puissances mondiales et les puissances montantes que sont les États-Unis, la Chine et l’Inde.

Les rivalités régionales compliquent encore une équation asiatique de plus en plus difficile à appréhender et également de plus en plus dangereuse en raison de la présence de puissances nucléaires majeures dans cette partie du monde : la Chine, l’Inde, la Russie ou le Pakistan bien sûr mais aussi les États-Unis et la Corée du nord. Les relations entre la Chine et la Corée du Sud ne cessent de s’améliorer. Si Pékin souhaite conserver l’alliance avec Pyongyang et envisage peut-être sur le très long terme un avenir dénucléarisé pour la péninsule, le régime de Kim Jong-un apparaît d’autant plus ambivalent dans le schéma américano-chinois que le pouvoir nord-coréen lui-même est à la croisée des chemins, entre préservation des capacités nucléaires essentielles à la survie des dirigeants nord-coréens et une ouverture économique timide qui représente aujourd’hui le deuxième axe de la politique de Kim Jong-un, mais qui ne peut s’opérer qu’à pas très mesurés, sous peine de remettre fondamentalement en cause le principe du juch’e, de l’autosuffisance, établi par Kim Il-sung, et par là-même la survie du régime. Au-delà de la péninsule coréenne et même de l’Asie et de l’océan indien, la Chine contemple quant à elle un autre horizon : celui du continent africain où elle est de plus en plus présente comme en témoigne l’installation en 2016 à Djibouti de la première base militaire chinoise, aux côtés des bases militaires françaises et américaines qui y sont déjà implantées.

Si la Chine peut affirmer aujourd’hui sa suprématie en Asie, elle ne peut prétendre toutefois y exercer de domination. La maîtrise – à défaut du contrôle – des corridors terrestres et maritimes de l’Asie centrale, de la mer de Chine et de l’océan indien lui ouvre cependant la porte du Moyen-orient et de l’Afrique, continent également en pleine croissance qui représente peut-être une pièce maîtresse dans l’affirmation de la puissance globale chinoise.

Par Laurent Gayard
  1. Iouri Fedotov chef de la direction anti-drogue de l’Onu, « Sobytiya », Douchanbé, 14/10/2010. Cité par René Cagnat, « Où va l’Asie centrale ? » Diploweb. 1er juin 2014.
  2. Dont le nom renvoie en anglais à la malice ou au fait de « causer du tort ».
  3. Michael Beckley, « The Emerging Military Balance in East Asia : How China’s Neighbors Can Check Chinese Naval Expansion. » International Security, Vol. 42. N° 2 (Fall 2017), pp. 78–119.
  4. David C. Gompert, Astrid Stuth Cevallos, Cristina L. Garafola. War with China : thinking through the Unthinkable. RAND Corporation. Juillet 2016. 116 pages.
  5. Que les Chinois nomment « Diaoyutai »
  6. Le PIB chinois est estimé en 2010 à 5 878 milliards de dollars contre 5 472 pour le Japon. Source : Banque Mondiale
  7. 4,5 des 7,5 milliards d’habitants sur terre.

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