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Les Kurdes victimes ou bourreaux ?

Les Kurdes, qui ne sont pas si homogènes que le nom le laisse supposer, n’ont jamais su saisir l’occasion qui leur avait été offerte de créer leur propre État. Ils sont d’abord victimes de leurs calculs mal avisés.

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Les Kurdes victimes ou bourreaux ?

Les Kurdes passent couramment pour être les injustes victimes des Grandes Puissances. Au lendemain de la Première Guerre mondiale les puissances alliées, à commencer par la France et la Grande-Bretagne, auraient refusé de tenir compte de leur existence et de leur droit à l’autodétermination. Tout ceci est faux. Avant tout, les Kurdes sont victimes d’eux-mêmes et en particulier du manque de clairvoyance de leurs dirigeants de l’époque.

Au cours de la Conférence de paix de Paris de 1919, la Grande-Bretagne, par l’intermédiaire de son Premier ministre David Lloyd George, avait clairement soutenu la candidature du Kurdistan à figurer dans la liste des pays devant être admis au sein de la Société des Nations. Ce soutien s’inscrivait dans la droite ligne des engagements internationaux du Président des États-Unis Woodrow Wilson. Pour ce qui concerne le Moyen-Orient, conformément à ses fameux 14 points, les peuples soumis depuis des siècles à la férule ottomane devaient se voir offrir l’accès à l’indépendance nationale après une période de transition sous mandat allié.

Naissance du Kurdistan…

Le traité de Sèvres signé le 10 août 1920 dans les salons de la manufacture de Sèvres par quatorze États, y compris l’Empire ottoman, est composé de 433 articles. Les articles 62, 63 et 64 de la section III traitent du processus de création d’un Kurdistan indépendant. Certes sa création répond aux intérêts stratégiques de la France et de l’Angleterre qui ne voient que des avantages à ce qu’apparaisse un État-tampon entre la Turquie ottomane et ses anciennes possessions syriennes et mésopotamiennes (irakiennes) sur lesquels ils se sont adjugé des mandats. Mais l’essentiel est là, un Kurdistan indépendant, pour la première fois dans l’histoire mondiale, est sur le point de naître.

Non seulement le projet d’un État kurde est admis par la communauté internationale mais il est approuvé par le sultan-calife Mehmet VI ; bien sûr sans grand enthousiasme. Sachant que son maintien à la tête de ce qui reste de son Empire dépend du bon vouloir des Alliés, il n’a d’autre choix que de se plier à leurs décisions.

L’imprévu est que l’idée d’un Kurdistan indépendant est violemment combattue par le mouvement national conduit par le général Mustafa Kemal pacha (futur Atatürk) qui, début 1920, soutenu par les reliquats de l’armée ottomane, a pris le contrôle de l’intérieur de l’Asie mineure, Kurdistan compris. Sachant bien à qui il a affaire, il mène une habile propagande auprès des notables kurdes civils et religieux (les deux vont souvent de pair en terre d’islam) pour les dissuader de collaborer avec les Alliés. Sa campagne d’opinion met l’accent sur le fait que son mouvement lutte contre les puissances chrétiennes qui veulent coloniser les dernières régions d’Asie qui leur échappent encore. Surtout, il laisse courir la rumeur que les puissances alliées sorties vainqueurs du conflit mondial sont entrées en territoire ottoman pour rétablir les Arméniens et les autres minorités chrétiennes dans leurs possessions confisquées en 1915. Autrement dit que toutes les propriétés mobilières ou immobilières prises de force sous peu vont devoir être restituées à leurs anciens propriétaires.

Kurdistan, l’État impossible, ou les avatars malheureux du principe de nationalité. Extrait de « Les Kurdes et le(s) Kurdistan(s) en cartes », Michel Bruneau et Françoise Rollan, Anatoli, 8 | 2017, 21-41.

… le spectre des massacres arméniens…

Or, le spectre des massacres de 1915-1916 hante les chefs de tribus kurdes des confins de la Syrie et de l’Anatolie qui ont participé aux tueries et au partage des dépouilles (terres, troupeaux, jeunes femmes, enfants). Le génocide, conçu comme un « nettoyage ethnique », a été orchestré par le pouvoir jeune turc (le fameux triumvirat Enver pacha, Talaat pacha, Djemal pacha) depuis Constantinople. Sur le terrain, en Asie mineure et en Syrie, les massacres ont été mis en œuvre par des fonctionnaires turcs chargés de rassembler leurs administrés arméniens, ainsi que par les soldats et gendarmes qui escortaient les convois et procédaient eux-mêmes à leur guise à des exécutions. Mais c’est une tâche assez pénible. Le plus souvent, les hauts responsables Jeunes-Turcs se bornaient à laisser agir des bandes armées en tout ou partie composées de Kurdes. Ces derniers, dans le sud-est de l’Anatolie, nourrissaient une haine séculaire envers les Arméniens. En 1895, sous Abdülhamid II, des massacres de très grande ampleur avaient déjà eu lieu sur fond de luttes agraires. C’est pourquoi, il n’est pas exagéré d’écrire que les Kurdes, notables comme va-nu-pieds, se sont faits les instruments enthousiastes du génocide car à la clé il y avait pour eux un enrichissement facile et considérable. Certes tous les Kurdes n’ont pas été les acteurs de ce drame d’une ampleur inouïe. Ce sont surtout les sunnites qui se sont comportés en dévoués auxiliaires des génocidaires Jeunes-Turcs. Cela a été moins le cas des Kurdes alevis c’est-à-dire d’obédience chiite, qui parfois ont secouru et hébergé des fuyards arméniens.

Avant tout, les Kurdes sont victimes d’eux-mêmes et en particulier du manque de clairvoyance de leurs dirigeants.

Les Kurdes ayant beaucoup à se reprocher, la mise en garde de Mustafa Kemal de se méfier des intentions réelles des puissances alliées est entendue. D’autant mieux, qu’habilement il affirme vouloir créer dans les territoires musulmans libérés de l’occupation étrangère un « État des Turcs et des Kurdes » et restaurer sur son trône le sultan-calife Mehmet VI qu’il présente comme virtuellement prisonnier dans son palais de Constantinople. Ce dernier a beau s’époumoner qu’il n’en est rien, les Kurdes rallient en masse le général beau parleur et son cadre d’ex-officiers jeunes turcs. Les premières recrues de l’armée kémaliste viennent des provinces kurdes de l’Asie mineure, justement celles que le traité de Sèvres avait désignées pour former le noyau du futur Kurdistan… Ces hommes qui partent repousser les giaours grecs qui envahissent l’Anatolie justement pour faire appliquer ce traité ne veulent pas entendre qu’ils sont dupés par ceux qui les mènent au combat. En fait, le haut commandement kémaliste médite l’établissement d’un État-nation basé sur l’identité turque et excluant la manifestation de toute autre identité nationale. Jusqu’à son triomphe définitif sur les Grecs en 1922, Mustafa Kemal par prudence n’a cessé de promettre la création d’un État musulman des Turcs et des Kurdes. Et même après sa victoire, lors de la Conférence de paix réunie à Lausanne, les délégués turcs affirment parler au nom des « nations sœurs » kurde et turque. Ismet pacha (futur Ismet Inönü), qui dirige avec brio la délégation kémaliste, argumente que l’origine des Kurdes est obscure, ce qui est exact, que vraisemblablement ils sont d’ascendance turque, ce qui manifestement est faux, que de toute façon Turcs et Kurdes ont toujours vécu en parfaite harmonie, ce qui est loin d’avoir toujours été le cas. Mais il emporte la conviction de ses interlocuteurs qui ont renoncé à l’idée d’État-tampon. Le 24 juillet 1923, un nouveau traité de paix est signé entre le gouvernement kémaliste d’Angora (Ankara) et les puissances alliées, le traité de Lausanne. Il rend caduc le traité de Sèvres, consacre l’annexion de la majeure partie du Kurdistan au nouvel État turc sans apporter aucune garantie en ce qui concerne le respect des droits des Kurdes.

… adieu au Kurdistan.

Dès 1924, et pour longtemps, on ne parle plus de Kurdes en Turquie mais de « Turcs des montagnes ». Dans l’Est anatolien (ancien Kurdistan) une guérilla naît qui perdure aujourd’hui encore. Victimes d’une impitoyable politique d’assimilation forcée, les Kurdes pour autant ne se sentent pas proches des Arméniens. Le fossé des exactions passées demeure béant aujourd’hui encore. À l’exception de quelques intellectuels non représentatifs, les Kurdes ne s’excusent pas pour ce qui s’est passé, si ce n’est pour dire que c’est bien malheureux mais qu’ils ont des circonstances atténuantes. Sur le fond, ils n’envisagent pas un instant un retour des Arméniens ni même des réparations. Sur ce point, ils sont solidaires des Turcs.

Jamais plus qu’en août 1920, les Kurdes ont été sur le point d’obtenir un État. Cela n’a tenu qu’à eux. Bien sûr, les élites nationalistes kurdes contemporaines essaient de faire porter l’entière responsabilité de cette occasion manquée à la duplicité des puissances alliées (France et Grande-Bretagne). La réalité, insistons sur ce point, est bien plus simple : leur peuple (si peuple il y a, mais c’est une autre question) a surtout été victime du manque de clairvoyance et de l’avidité de leurs dirigeants de l’époque, chef tribaux et notables religieux. Tout bien pesé, ces derniers ont préféré l’alliance avec les kémalistes au risque de devoir restituer aux (rares) survivants arméniens maisons et terres. Ajoutons que ce choix, ils l’ont fait en connaissance de cause. Sur le compte des kémalistes ils savaient à quoi s’en tenir ayant été plus d’une fois mis en garde, notamment par le sultan-calife Mehmet VI…

Ceux qui aujourd’hui clament que l’Europe a une dette envers les Kurdes et doit intervenir en leur faveur – militairement si besoin est – se trompent lourdement. Rien ne leur est dû. Certes, globalement les puissances alliées sont loin d’avoir joué un rôle positif au Moyen-Orient au lendemain de la Première Guerre mondiale mais concernant les Kurdes on ne peut leur reprocher une lourde trahison méritant aujourd’hui réparation. Ces derniers en 1920 ont librement fait choix de l’alliance avec les Turcs pour sauvegarder le butin qu’ils avaient fait sur le dos des Arméniens. Certes ce choix s’est avéré à terme désastreux pour eux mais il n’empêche qu’ils sont les principaux sinon les uniques responsables du fait que l’État qui leur était destiné est mort-né.

Par Fabrice Monnier

 

Illustration : Mustafa Kemal Atatürk, après avoir habilement manœuvré les Kurdes pour éviter la création du Kurdistan, mata leurs rébellions et les déporta – sans aller jusqu’à les traiter comme eux-mêmes traitèrent les Arméniens.

La geste de la résistance kurde, avec ses figures admirables, ne doit pas faire oublier les intérêts politiques en jeu.

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