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FAITES LA PAIX, SINON FAITES DES PROCONSULS !

Géopoplitique. La France sait mener des opérations militaires extérieures. Mais sait-elle tenir compte des réalités politiques, ethniques, religieuses et culturelles des pays où elle intervient ? Faute d’un pilotage politique, on risque de moins préparer la paix que de dresser les peuples contre nous.

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FAITES LA PAIX, SINON FAITES DES PROCONSULS !

Une sorte de « fatigue expéditionnaire » s’installe : les opérations rapides et efficaces en Afrique (comme l’opération de Kolwezi en 1978) sont loin derrière nous. Ou alors elles ont eu des résultats très mitigés, comme en Libye en 2011. Désormais la règle est plutôt l’enlisement, comme au Mali depuis 2013. Ne parlons pas des Américains en Irak ou en Afghanistan.

Le schéma clausewitzien (ou plutôt attribué à Clausewitz, car sa pensée était en fait plus complexe), celui d’une action militaire décisive permettant ensuite aux politiques de rétablir ou d’instaurer la paix, n’est pas adapté à ce genre d’interventions. D’autre part les théories de la contre-insurrection, élaborées en France à l’occasion des guerres d’Indochine et d’Algérie, et exhumées par les Américains à partir de 2003, en restent à un niveau tactique : elles ne permettent pas d’élaborer des réponses politico-stratégiques appropriées. On pourrait en dire autant des actuelles doctrines du contre-terrorisme, elles sont utiles et même indispensables, à condition de ne pas leur demander plus qu’elles ne peuvent réaliser.

Le point de départ de la question est que les régions où on intervient ont leurs propres structures (ethniques, familiales, claniques, religieuses) ayant chacune leur histoire, leurs intérêts, leurs objectifs. Si l’opération est ciblée et courte, destinée à écarter un perturbateur extérieur ou intérieur bien spécifique, et se limite à cet objectif, elle pourra être bien accueillie par les populations concernées. En revanche, si l’opération, et ce malgré les considérables moyens et le savoir-faire militaire que la France peut mettre en œuvre, se prolonge et s’enlise, progressivement les alliés français, au début bien vus, se transformeront en occupants de moins en moins bien supportés.

En outre l’intervention elle-même, même si elle était au départ justifiée par la situation locale et les engagements et les intérêts de la France, modifie les rapports des groupes locaux entre eux, ainsi que leurs perceptions et objectifs. Ce qui fait que la situation qui a provoqué l’opération évolue en permanence. Et peut s’aggraver considérablement, malgré les succès militaires sur le terrain.

L’exemple du Mali est édifiant : au départ, en 2013, l’opération Serval avait pour objectif d’empêcher des colonnes islamistes de s’emparer de Bamako. Ce fut une réussite. Mais à partir de 2014, l’opération Barkhane, qui lui a succédé et qui devait éliminer la menace djihadiste du Sahel et du Sahara, s’est enlisée. En fait Serval ne tenait pas assez compte du fait que l’islamisme djihadiste était aussi un nouvel avatar de l’opposition historique entre les Touaregs et les populations du Sahel, conflit que la « décolonisation » en 1960 n’avait pas réglé (on notera que depuis deux ans la diplomatie suisse s’entremettait entre les Touaregs et Bamako pour essayer de trouver une solution : il est évident que l’intervention française a rompu ce processus).

Une solution prédéterminée ou évolutive ?

Cependant, une fois le danger immédiat passé, Paris aurait pu exiger de Bamako des réformes faisant toute leur place aux Touaregs dans l’ensemble malien. Mais, passé le danger, le gouvernement malien n’a pas suivi. Par la suite la situation s’est régulièrement aggravée, avec un accroissement de l’islamisme et l’apparition de trafics divers (drogues, armes…) qui augmentent le nombre de parties prenantes n’ayant aucun intérêt à la stabilisation. Tandis que l’aide militaire africaine (le « G5 Sahel ») ou européenne reste pour le moins limitée, les Allemands en particulier se faisant de leur côté toutes les remarques que vous venez de lire… La double mission à l’origine de Serval, stabiliser une région-clé et empêcher le développement d’un djihadisme qui menace aussi notre territoire, s’en trouve compromise.

Je voudrais attirer l’attention de nos lecteurs sur un récent et passionnant ouvrage, Un sentiment d’inachevé. Réflexion sur l’efficacité des opérations, publié aux Éditions de l’École de Guerre par deux anciens stagiaires de celle-ci, Jean Gaël Le Flem et Bertrand Oliva. Leur constat critique est celui que l’on vient de dire, je n’y reviens pas. Leurs propositions vont loin, elles concernent la stratégie, la méthode et l’organisation.

En ce qui concerne la stratégie, il ne s’agirait plus d’une intervention univoque tendant à faire triompher une solution prédéterminée. Il s’agirait de prendre en considération dès le départ les divisions internes des pays considérés et leur évolution, et d’opérer une « médiation armée » entre les parties en présence, afin de faire émerger les moins mauvaises solutions possibles, elles-mêmes probablement relatives et évolutives. La difficulté étant de faire accepter au gouvernement local, dont l’accord est évidemment indispensable, cette médiation dont il ne sera pas toujours spontanément partisan. Il faudra associer soutien et pression…

Disposer les administrations à se coordonner

D’autre part, s’il est depuis longtemps admis que le volet civil d’une intervention (soutien aux populations, aide sanitaire, aide au développement, etc.) est essentiel pour son succès, il faudrait intégrer bien plus étroitement les volets civil et militaire, et ne pas procéder en deux temps, l’intervention militaire d’abord, l’aide humanitaire et l’aide au développement ensuite, comme on a tendance à le faire.

Mais il est clair que cette conception des opérations, dynamique, évolutive et intégrée, doit conduire à une nouvelle organisation associant beaucoup plus étroitement tous les acteurs, sur place et à Paris. Il faut en fait pour y parvenir un « pilotage politique ». Il faut, pensent les auteurs, un « haut représentant » sur place, réunissant les compétences civiles et militaires, ayant autorité sur tous les acteurs français et représentant la volonté présidentielle auprès de tous les acteurs locaux, et aussi auprès des partenaires africains et européens. Même si les temps et les institutions évoluent, les interventions extérieures françaises et étrangères, en particulier britanniques) ont très souvent conduit par le passé, du Maroc à l’Indochine, à réunir l’autorité politique et militaire au profit d’un haut responsable sur place.

Ne nous faisons pas d’illusions : cette version moderne des proconsuls romains, magistrats aux compétences à la fois civiles et militaires envoyés dans les provinces de l’Empire non encore stabilisées, susciterait beaucoup de réserves de la part des différentes administrations concernées et se heurterait à la centralisation croissante des OPEX autour de l’Elysée. D’autre part les États concernés ne seraient pas ravis de voir leur interlocuteur sur place ne plus être l’ambassadeur de France en poste, mais un haut représentant qui risquerait trop de rappeler les hauts-commissaires du temps de l’Union française.

Mais d’autres formules seraient envisageables, comme celle d’organismes de coordination entre les différents ministères aussi légers que possible, avec à leur tête un responsable spécifique, qui aurait rang, par exemple, de secrétaire d’État, membre du gouvernement. Outre l’avantage de permettre de mieux coordonner et synthétiser les actions à mener, cette formule permettrait d’associer le gouvernement en tant que tel aux opérations extérieures, et de tenir le Parlement mieux informé. Elle atténuerait les dangers que recèle l’hypercentralisation actuelle à l’Elysée, en cas d’un grave revers, ne serait-ce qu’aux yeux de l’opinion publique. Et à mesure que les difficultés apparaissent et que l’enlisement menace, on peut penser que les différentes administrations (Défense, Quai d’Orsay, Développement international…) seront davantage disposées à améliorer leur coordination.

Les propositions concrètes de réorganisation que font les auteurs d’Un sentiment d’inachevé susciteront sans doute, on le voit, de fortes réserves. Mais leur diagnostic stratégique et leur vision d’une intégration civilo-militaire réactive et tenant compte des données locales, recherchant en priorité la médiation, répondent, me semble-t-il, aux interrogations actuelles sur les OPEX, non seulement en France mais chez nos partenaires européens. En s’en inspirant, on répondrait mieux aux défis sur place et on risquerait moins de nous isoler sur le plan international.

 

Illustration : À Gao, en 2017, Macron avait expliqué aux militaires qu’ils œuvraient aussi pour que l’Afrique devienne « un continent propice à l’investissement dans l’éducation, la santé, la culture, l’accès aux grandes infrastructures. » Là aussi, il recueille aujourd’hui les fruits de sa politique.

 

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