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Catholiques allemands : le piège des années 30

Le pape Benoît XVI dira que sa naissance le jour du samedi saint 1927 avait été un signe pour lui. « Dans l’obscurité la plus complète, nous pouvons entendre une voix qui nous appelle, qui nous saisit et nous conduit au-dehors ». Coup de projecteur sur ces toutes premières années marquées par l’avènement du nazisme.

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Catholiques allemands : le piège des années 30

31 juillet 1932, Tittmoning en Bavière : Joseph Ratzinger, le père du futur pape Benoît XVI, lit son journal préféré qu’il reçoit chaque semaine à la poste de la petite ville, Der gerade Weg (Le droit chemin). Ce jour-là, l’hebdomadaire catholique titre : « Le nazisme est une peste ». L’article, signé par son rédacteur en chef Fritz Gerlich, un protestant converti au catholicisme, est on ne peut plus explicite : « Le national-socialisme signifie : conflit avec les pays voisins, règne de la violence dans le pays, guerre civile et guerre au-dehors. Le national-socialisme est synonyme de mensonge, de haine, de luttes fratricides, de détresse infinie. Adolf Hitler annonce la loi du mensonge. Vous qui êtes tombés dans ce piège d’un dictateur fanatique, réveillez-vous ! Il en va de l’Allemagne, de votre destin, de celui de vos enfants ! ».

Le journal que lisait M. Ratzinger.

Dès la naissance du parti nazi qui, à peine interdit en 1923, se reforme en 1925, Joseph père se montre farouchement opposé aux thèses hitlériennes. Il n’est pas le seul : les évêques, la presse et la plupart des électeurs catholiques ont assisté en opposants à l’ascension fulgurante des sbires d’Hitler. C’est l’un des enseignements du dernier livre de Peter Seewald, biographe de Benoît XVI qu’il a accompagné pendant 25 ans en tant que journaliste du Spiegel, et qui s’intitule sobrement Benedikt XVI. Ein Leben (Benoît XVI. Une vie. Éditions Droemer, 2020, non encore traduit en français).

Les premiers chapitres mettent en lumière une famille modeste et extrêmement pieuse. Le père est gendarme (fonctionnaire de l’État), la mère fille de boulangers – son état-civil porte la mention « illeg. », illégitime. Le jour de leur mariage, le 9 novembre 1920, il a 50 ans, elle en a 36.

La famille Ratzinger emménage au début de l’été 1929 à Tittmoning. La petite ville de 4 500 habitants déploie ses clochers et façades baroques, ses fontaines et ses places, dans l’écrin des Alpes. L’Autriche est à deux pas. « Pays de rêve » dans les souvenirs du vieux pape, pour son frère Georg qui y découvre la musique, pour sa sœur Maria et pour lui qui y arrive à l’âge de 2 ans. La crise de 1929 précipite leur destin et celui de la république de Weimar proclamée douze ans plus tôt (le 9 novembre 1918).

Elle jette dans les griffes des partis national-socialiste et communiste, outre les déshérités, des jeunes qui n’ont jamais voté et ne se reconnaissent pas dans les partis traditionnels. En 1928, le NSDAP (Nazional-Sozialistische Deutsche Arbeiterpartei, littéralement Parti national-socialiste allemand des travailleurs) n’obtenait que 2,6 % des suffrages exprimés. Les élections du 14 septembre 1930 lui donnent 18,3 % des voix – 6,4 millions de votants – et en font le deuxième parti du Reich avec 107 sièges au Reichstag, après le SPD (parti socialiste) qui obtient 24,5 % des suffrages – 8,6 millions de votants – et 143 sièges, tandis que le KPD (parti communiste) gagne 77 sièges. Deux ans plus tard, le NSDAP deviendra la première force politique au Reichstag avec 37,4 % des suffrages exprimés.

Comme beaucoup de petites gens, Joseph Ratzinger père commence par recevoir ses traitements avec retard, l’inflation avale les économies du couple, contraignant la famille à vivre de plus en plus chichement. La mère « fait » son potager, fabrique elle-même son savon, et tient à ce que ses enfants soient correctement habillés. Au-delà des soucis matériels se fait jour une angoisse quotidienne de plus en plus forte, celle de la mère qui demande à ses enfants de prier pour que leur père revienne sain et sauf des réunions où les hommes de la SA (les Sections d’assaut ou « chemises brunes ») sont de plus en plus violents (ils sont déjà 455 000) ; celle du père qui lit toutes les semaines les informations sur « le combat de Hitler contre l’Église catholique ».

La presse catholique perd son porte-drapeau

Une situation suffisamment sérieuse pour que le gendarme décide de mettre sa famille à l’abri en déménageant – pour la quatorzième fois – le 5 décembre 1932 à Aschau-am-Inn, une grosse bourgade typiquement bavaroise. Le petit Joseph a 5 ans, c’est un arrachement dont il se souvient encore.

La nouvelle année qui commence a beau être proclamée « Année Sainte » par le pape Pie XI en mémoire des 1900 ans de la mort du Christ, elle commence avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler qui vient d’être nommé chancelier du Reich par le président Hindenburg. Le 30 janvier 1933, un drapeau orné de la croix gammée flotte sur Aschau. Ce même jour, Fritz Gerlich écrit à propos du discours d’Hitler devant le Reichstag : « Le peuple allemand retrouvera sa morale chrétienne et sa tradition de culture, et un jour il aura honte, et ce pour longtemps, qu’un chancelier allemand ait pu prononcer à haute voix un programme de gouvernement qui fasse une telle violence objective à la vérité comme celui d’aujourd’hui ».

Un mois plus tard, le 9 mars, les SA débarquent dans la salle de rédaction munichoise du Der gerade Weg dont la liberté de ton avait fait grimper le tirage à 100 000 exemplaires, hurlant « Où est ce cochon de Gerlich ? », frappent les journalistes à coups de poing et de pied et transfèrent le rédacteur en chef au camp de concentration de Dachau. Il y restera 15 mois. Accusé d’être un calomniateur, un criminel et un fou, il sera exécuté le 30 juin 1934. Sa veuve recevra une boîte en carton contenant ses lunettes constellées d’éclaboussures de sang.

Des évêques inégaux

Au sommet, l’Église catholique prend immédiatement ses distances avec l’idéologie nationale-socialiste, la qualifiant dès 1924 de « peut-être la plus dangereuse hérésie de notre temps » par la voix du nonce de Munich, le cardinal Eugenio Pacelli, secrétaire d’État et futur successeur du Pape Pie XI : « L’appartenance au NSDAP n’est pas compatible avec la conscience catholique » est-il écrit dans l’Osservatore Romano d’octobre 1930. Sur la condamnation de l’antisémitisme, Seewald cite la déclaration du Saint-Office du 25 mars 1928 selon laquelle Pie XI « condamne toute jalousie et toute convoitise entre les peuples (européens) et condamne avec la plus grande fermeté la haine contre un peuple élu de Dieu cette haine que l’on appelle aujourd’hui d’une façon générale du nom d’antisémitisme ». Mais le 20 juillet 1933 est signé un concordat au Vatican. Négocié du temps de la République de Weimar, il devait être, dans l’esprit de l’archevêque de Munich Michael von Faulhaber, un coup politique destiné à faire pression sur Hitler pour qu’il amnistie les prisonniers. D’où cette déclaration tragique dans une lettre écrite à ce dernier quatre jours plus tard : « Que Dieu garde notre chancelier pour notre peuple ».

Mgr Clemens-August von Galen, principal opposant d’Hitler.

En janvier 1937, plusieurs évêques, dont les deux évêques cousins de Munster et de Berlin, Mgr Clemens-August von Galen et Mgr Konrad von Preysing, font une visite à Rome pour informer le cardinal Pacelli qui durcira les expressions contenues dans l’encyclique allemande.

Le 21 mars 1937, Deux jours après l’encyclique Divini Redemptoris portant sur le communisme comme « négation de Dieu » – l’Union soviétique ne compte alors plus aucun évêque catholique officiel après une nouvelle purge lancée par Staline –, est promulguée Mit brennender Sorge (littéralement « Avec une brûlante inquiétude ») – Über die Lage der katholischen Kirche im Deutschen Reich (« sur la situation de l’Église catholique dans l’empire allemand). Elle a été envoyée le 12 mars dans le plus grand secret en Allemagne, à charge pour les diocèses de la diffuser. 300 000 exemplaires seront imprimés clandestinement. C’est un cas unique dans l’histoire de l’église que cette encyclique écrite dans une langue vernaculaire. Sans nommer directement le « national-socialisme » et le « Führer » (comme l’aurait souhaité Pacelli, dissuadé par ses collègues allemands), la première partie porte sur le détournement de la notion de foi telle qu’opérée par les nazis qui placent l’homme au-dessus de Dieu, la deuxième condamne la vision raciale des nazis et condamne les faux prophètes, la troisième partie met l’accent sur l’amour du prochain que les croyants doivent mettre en pratique dans l’Église, et la quatrième condamne la notion d’Église nationale allemande : « Sachez qu’elle n’est rien d’autre que la négation d’une Église du Christ ». Le pape Pie XI concluait que, tout en souhaitant une vraie paix entre l’Église et l’État en Allemagne, si cette paix ne pouvait se réaliser, alors l’Église défendrait ses droits et ses libertés. Le ministre de l’Intérieur réagit immédiatement en fermant des couvents, des écoles, une douzaine d’imprimeries, en interdisant à la presse de parler de l’encyclique qui portait atteinte à la sûreté de l’État et du peuple allemand, enfin en envoyant la Gestapo perquisitionner, emprisonner, exécuter [1].

La position des évêques fut tantôt la résistance, tantôt la compromission avec le pouvoir en place. En septembre 1930, le bureau épiscopal de Mayence déclare qu’un catholique ne peut être en même temps « un membre inscrit au parti d’Hitler ». Le 10 février 1931, la conférence des évêques de Bavière postule le refus du national-socialisme. Les évêques du diocèse de Cologne font de même le 5 mars, suivis en août par leurs pairs réunis à la conférence de Fulda qui « interdisent formellement » toute collaboration avec le mouvement nazi. En août 1932, la conférence des évêques allemands taxe le programme du parti nazi d’« enseignement faux » et « contraire à la foi » et prévoit d’interdire les sacrements aux catholiques qui seraient tentés d’adhérer au parti. Mgr von Faulhaber lui-même y voit une « hérésie » qui fait abstraction de Dieu.

On peut se poser la question « de savoir si le national-socialisme serait arrivé au pouvoir dans une Allemagne catholique ».

Mais le 28 mars 1933, cinq jours après une déclaration de gouvernement d’Hitler, la conférence des évêques de Fulda et de Freising publie une lettre pastorale commune qui revient sur « les interdictions et les avertissements précédents », ce que Peter Seewald appelle « un revirement dramatique » : « deux mois plus tard, écrit-il, le 8 juin 1933, une lettre pastorale des évêques allemands franchit un pas supplémentaire. Les évêques allemands saluent le “réveil national” ».

Que pensent alors les catholiques allemands ? Si son père ne se prive pas de critiquer les évêques et même le Pape, il reste néanmoins un homme pieux et continue à vivre dans sa foi, se souvient Benoît XVI. « D’un côté, rappelait-il le 5 avril 2006 aux 50 000 jeunes massés sur la place Saint-Pierre, c’était un temps, où, lorsqu’on était chrétien, il était normal d’aller à l’église, d’accepter la foi comme une révélation de Dieu, et d’essayer de vivre en conséquence ; d’un autre côté, il y avait le régime nazi qui annonçait d’une voix forte : dans la nouvelle Allemagne, il n’y aura plus de prêtre, plus de vie consacrée, nous n’avons plus besoin de ces gens-là ; trouvez-vous un autre métier… Dans cette situation, la vocation a grandi en moi tout naturellement, ce ne fut pas une conversion extraordinaire ».

Des chrétiens divisés

Pour nombre de chrétiens, catholiques mais surtout protestants, il y eut aussi la tentation du « Mouvement des Chrétiens allemands » ou Deutschen Christen (DC). Fondé en 1927 (année de parution de Mein Kampf), il prônait des thèses proches du parti nazi en faveur d’une chrétienté positive, d’une religion purifiée, d’une réunion des confessions dans ce que les nazis appelaient une « Église nationale populaire » dépassant les clivages anciens et incarnant une nouvelle espérance. Un tiers des paroisses protestantes se rapprocha de ces thèses, principalement dans les villes, et les DC comptèrent en 1933 un million d’adhérents. Aux élections du Reichstag de juillet 1932, le NSDAP recueillait ainsi 42,1 % des voix dans les régions à forte majorité protestante, contre 24,1 % dans les régions à forte majorité catholique. Ce qui fait poser la question au sociologue évangélique Gerhard Schmidtchen, cité par Seewald, « de savoir si le national-socialisme serait arrivé au pouvoir dans une Allemagne catholique ».

La volonté de « germaniser » la chrétienté, propagée dès 1896 par le pasteur évangélique Arthur Bonus, puis en 1904 par le pasteur Friedrich Andersen, s’accompagnait dès cette époque de l’idée de la « purifier » de toute référence au judaïsme avec la revendication d’abolir l’Ancien Testament, aboutissant en 1917 au Jubilé des 400 ans de la Réforme, à un programme de « germanisation et de déjuivisation de la chrétienté ». L’idéologue d’Hitler, Alfred Rosenberg, condamnait les deux internationalismes marxiste et catholique comme les deux facettes d’un même esprit juif. Largement lu dans tous ces cercles, son livre Le mythe du 20e siècle était mis à l’index par l’Église le 7 février 1934. Une nouvelle trinité se formait comme le titrait l’hebdomadaire Das evangelische Deutschland (L’Allemagne évangélique) en mars 1933 : « un empire, un peuple, un Dieu ». Servie par Joseph Goebbels, la propagande nazie devait s’appuyer sur cette trilogie pour déclencher sur ordre d’Hitler en avril 1937 une vague de répression contre la « peste sexuelle » des prêtres « pourris jusqu’à la moelle », fermer les écoles privées catholiques, interdire les cours de religion et toutes les associations catholiques.

Illustration : La famille Ratzinger dans les années 30.

[1]   Le Troisième Reich tortura et assassina 8021 prêtres et religieux selon une étude parue dans le Tagespost de 2015 et intitulée « Les prêtres sous la terreur d’Hitler ». Dans les diocèses bavarois, 50 % des clercs furent poursuivis, allant de la simple amende à la prison, la déportation en camp de concentration et à l’exécution.

La remarquable biographie de Benoît XVI due à Peter Seewald (ci-dessus) fera l’objet de plusieurs articles de Politique magazine reprenant chronologiquement la vie du “pape émérite” à la lumière du XXe siècle tourmenté.

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