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Des dangers de la méthode d’Anne Soupa

Anne, Greta cléricale, fait don de sa personne à la “prise de conscience” française, n’oubliant, au passage, que l’Église universelle.

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Des dangers de la méthode d’Anne Soupa

Un homme bien élevé et qui n’élève pas la voix doit aujourd’hui considérer que Golgota picnic est une pièce qui interroge, que les Femens qui font irruption à Notre-Dame nous interpellent, qu’une flèche de cathédrale doit être adaptée aux enjeux du XXIe siècle et qu’une femme qui se présente à l’archevêché de Lyon provoque le débat.

Depuis qu’on a diagnostiqué l’Église agonisante, on voit donc passer régulièrement des urgentistes qui proposent toujours la même thérapie : l’électrochoc. Il faut que le grabataire soit bien accroché pour n’avoir toujours pas trépassé après avoir reçu pareil traitement…

Mais pourquoi faut-il que l’on soupçonne les catholiques d’être à ce point incapables de la moindre réflexion pour que la seule façon de les interpeller soit d’en passer par les provocations clivantes ? Et d’où viennent ces interpellations ? Sans doute d’un gramscisme qui a efficacement infusé au sein de la société.

La « prise de conscience » à toutes les sauces

Depuis sa déclaration de candidature, Anne Soupa enchaîne les interviews et les plateaux de télévision. Partout, elle dit vouloir amener à une « prise de conscience ». Or, il n’y a qu’à taper « prise de conscience » dans Google Actualités pour voir surgir quantité d’articles adoptant cette méthode.

Il y a quelques mois, Loïc Prigent répondait à une interview des Inrocks afin d’expliquer comment « la prise de conscience » dans le milieu de la mode était devenue tendance. Le maître des aphorismes concluait que la tendance, c’est aujourd’hui « une bourgeoise éco-responsable ». Et, de fait, la tendance s’observe au-delà des podiums et des défilés. Ainsi, Anne Buzyn espère que la hausse d’un euro du prix des paquets de cigarette provoquera une « prise de conscience » chez les fumeurs, le Parti des Indigènes de la République voudrait que société « prenne conscience » de la gravité des violences policières, Nous Toutes cherche une prise de conscience de l’ampleur des violences conjugales, Extinction Rebellion veut qu’on prenne conscience du climat, et, le 7 novembre dernier, la Gazette des communes nous apprenait que les DGS des collectivités avaient eu récemment une prise de conscience en matière de politiques culturelles. C’est le maître-mot. Et on comprend qu’aujourd’hui, il faut que vous soyez totalement hors-jeu si vous n’avez pas encore « pris conscience ». Mais voilà qu’aujourd’hui cela gagne l’Église.

Derrière une mode, un mécanisme

On peut ainsi résumer la stratégie d’Anne Soupa : elle veut amener à une « prise de conscience », afin de gagner la « bataille de l’opinion » pour renverser « l’hégémonie culturelle » qu’elle dénonce. Elle diffuse donc ses idées dans la société, par le biais des médias.

Évidemment, loin d’être politicienne, sa démarche est politique : il s’agit de montrer que la gouvernance de l’Église n’est plus adaptée à la période moderne. Madame Soupa dénonce donc la hiérarchie ecclésiale comme n’étant plus le lieu correspondant aux baptisés et cherche par son geste à se proclamer au-dessus des coteries de l’institution – laquelle se condamne, par son inertie même, à être incapable d’écoute.

Le fait que les prélats aient failli doit nous convaincre de ce que nos clercs ne sont plus représentatifs et qu’Anne Soupa seule est légitime. C’est ainsi qu’elle a proclamé qu’elle ne veut pas être l’archevêque des 3 % de catholiques pratiquants mais de l’immense proportion de ceux qui ne vont pas à la messe.

De cette situation découle la rhétorique classique de « l’homme providentiel », qui veut qu’Anne Soupa n’aie jamais voulu en arriver à une telle extrémité, qu’elle y a été contrainte et appelée par les circonstances, ce qui doit d’ailleurs immanquablement déclencher compassion et empathie pour une démarche admirable qui se teinte de la légitimité sacrificielle et pure du martyre.

Cela lui permet donc d’acquérir un certain charisme. Et on peut être tenté de se dire qu’on n’est « pas d’accord avec tout », cependant qu’on admet alors immédiatement « qu’elle a du culot ». Cela lui permet de fédérer et de gagner la bataille de la transversalité des luttes. Elle profite de sa tribune pour rassembler autour d’elle tous les déçus de l’institution et entend non seulement parler au nom de toutes les femmes mais également au nom des divorcés-remariés, des homosexuels, etc., etc.

Occuper l’espace médiatique, la réussite de la méthode

On pensait l’Église épargnée par ce genre de putsch symbolique, mais, pour une femme qui avait 20 ans en 1968 et terminait alors ses études rue Saint-Guillaume et qui a très longtemps côtoyé le monde de la presse, la démarche coulait sans doute de source. Force est donc de constater que la méthode employée par Anne Soupa rejoint celle d’une Greta ou d’une Pia Klemp. Se coulant dans le moule des nouveaux mouvements sociaux et adoptant les démarches des agitateurs d’opinions, Anne Soupa cherche la « prise de conscience » mais avec toutefois cette nuance que le cœur dadaïste de sa démarche se situe dans le fait de postuler à un mandat clérical.

Et pendant qu’Anne Soupa dénonce le cléricalisme misogyno-patriarcal de l’Église, sa comparse Christine Pedotti, qui fait partie de ces auteurs chagrinés par les aléas du confinement, sort chez Albin Michel, et avec quelques semaines de retard, Jean-Paul II, l’ombre du saint. L’ouvrage aurait dû coïncider avec l’anniversaire du pape mais les circonstances ont fait du coup médiatique attendu un pétard mouillé. Puisque Pedotti n’a pas pu dénoncer le cléricalisme par la voie classique du brûlot polémique, Soupa, lasse sans doute des pavés dans la mare, s’est décidée à tenter la provocation.

Les résultats ne se sont pas faits attendre. On a pu voir Anne Soupa sur France 24, EuroNews, lire des articles dans La Croix, Le Figaro, Le Monde, la Vie… Évidemment, les traitements ne sont pas les mêmes partout, et tous les journaux ne sont pas complaisants avec elle. On confronte ses idées avec d’autres. Mais il n’empêche qu’elle occupe le terrain médiatique. En imposant sa démarche, les solennités de la Pentecôte ont laissé la place à ses interviews que chacun a pu partager sur les réseaux sociaux.

Bousculer pour s’imposer

Le mirage consisterait à penser que les appels à la « prise de conscience » amènent une réflexion. En l’espèce, pris à la gorge par l’actualité, les éditorialistes sont contraints de produire des articles dans l’urgence et d’aller chercher les « réactions » de tel théologien ou de quelques moines ou intellectuels qui se prêtent à reculons à l’exercice épineux du commentaire d’actualité. De bonne grâce, chacun essaie de surplomber par quelques réflexions contextuelles.

En fait de réflexion provoquée, on aboutit à une polarisation de l’opinion qui permet de séparer le bon grain de l’ivraie. Il y a ceux qui se préoccupent vraiment de la cause défendue – et qui soutiennent donc Anne Soupa – et ceux qui sont encore prisonniers par quelques fidélités ecclésiales et en deviennent des traîtres à la cause des femmes.

Au cœur de la cacophonie, la Conférence catholique des baptisé.e.s francophones mène sa barque et fait avancer son projet de s’imposer comme une ZdK à la française : et ce « Comité central des catholiques allemands » est en effet une structure officielle qui représente les laïcs en Allemagne. De son côté, Témoignage chrétien monte un comité de soutien et les lignes se structurent pendant que les catholiques sont appelés à se séparer entre ceux qui ont « pris conscience » et ceux dont la conscience reste encore prisonnière d’un angélisme confiant que les opposants peuvent à loisir accuser d’aliénation.

Une méthode politique théorisée

Comme on le voit, l’opération est on ne peut plus classique. Elle est même honteusement banale. En fait, depuis cinquante ans, toute la politique est dominée par ces militants qui entendent vilipender l’hégémonie culturelle et gagner la bataille de l’opinion. Pour cela, le préalable nécessaire est de se situer sur un plan « métapolitique ».

Aujourd’hui, les institutions politiques classiques, c’est-à-dire les élus qui représentent la nation, sont régulièrement assiégées par ces coups de communication dont les motivations idéologiques ont le génie de laisser de côté l’actualité politique pour mener un combat de longue haleine afin de conquérir l’esprit du temps pour le transformer.

« Métapolitique », « hégémonie culturelle » : ces concepts sont d’Antonio Gramsci. Ces batailles de l’opinion qui plongent le système politique dans le désarroi, car ils l’interpellent tout en l’empêchant de répondre, permettent à Greta de lutter pour le climat tout en se déclarant systématiquement déçue par la moindre réponse politique qu’elle condamne à être systémiquement incapable d’apporter une réponse.

Le gramscisme naît des failles du marxisme. Trop matérialiste, Marx a pensé la société à la lumière de l’économie et des rapports de domination. Mais ses prédictions ne sont pas advenues car le capitalisme ne s’est pas effondré à cause de ces contradictions. Gramsci établit alors le diagnostic suivant : Marx a négligé la culture. Une stratégie se met alors en place. Il ne s’agit plus d’intégrer ou de réformer une organisation politique mais de déplacer les combats politiques sur le terrain des valeurs culturelles. Se dessinent alors des figures et des combats – le climat, les LGBT, les migrants, l’identité, le souverainisme, les femmes, le racisme.

Le gramscisme a une méthode et, surtout, depuis qu’Alain de Benoist a entrepris de lancer un gramscisme de droite dans les colonnes de la revue Éléments, on trouve des adeptes de la démarche à droite comme à gauche du spectre politique (la personnalité la plus visible étant Marion Maréchal). Les traditionalistes y adhèrent en créant des centres de formation comme Academia Christiana et des journaux en ligne comme le Salon Beige. Anne Soupa, de l’autre côté du spectre, entend peser sur l’opinion en fédérant ses réseaux.

À droite comme à gauche, on voit donc des groupes de pression rivaliser de démarches pour peser sur les directions ecclésiales, en fondant des écoles et des journaux. Ils se dotent ainsi de canaux de communication et de formation dont on manifeste le dynamisme par des actions médiatiques. Leur enjeu est moins d’inviter à une prise de conscience individuelle que de mettre en lumière des réseaux structurés et propres à offrir un appareil conceptuel efficace à tous les conscientisés qui voudraient désormais militer. La prise de conscience est donc une méthode de recrutement.

Du gramscisme et de la mauvaise foi

On doit préciser que le combat culturel gramsciste constitue une stratégie incompatible avec l’ambition de détenir le pouvoir, d’« être dans » le pouvoir à court terme. Il s’agit d’une prise d’otage symbolique qui permet d’occuper le terrain. Le danger est le suivant : en condamnant l’institution à être vérolée et aliénée de façon profonde et systémique, Anne Soupa profite de sa marginalisation pour disqualifier les réformes entreprises par l’Église.

Ainsi, en ne parlant plus que de son geste, on en oublie que le pape a créé en avril une commission pour le diaconat féminin. Sur les neuf personnes qui en font partie, cinq sont des femmes. La démarche se situe dans la suite du Synode sur l’Amazonie à l’issue duquel le pape avait annoncé son intention d’instituer une nouvelle commission sur le diaconat féminin « pour continuer à étudier » et « voir comment le diaconat permanent existait dans l’Église primitive ». Alors qu’il faudrait relire la Bible à la lumière du masculin et du féminin, et donc courir le risque du paradigme de genre, on en oublie que l’Église possède un magistère venant des femmes. Qu’il s’agisse de sainte Catherine de Sienne ou de la grande comme de la petite Thérèse, Rome compte des femmes parmi les docteurs de l’Église. Mieux, sur les quatorze personnes à l’étude actuellement pour obtenir ce titre de docteur, cinq sont des femmes. Et sur les cinq patrons que compte l’Europe, trois sont des femmes. Et on ne donne pas l’auréole qu’aux femmes du Ciel. Récemment, le pape François a nommé une femme laïque, Francesca Di Giovanni, sous-secrétaire à la section pour les relations du Saint-Siège avec les États. Le poste est très élevé au sein de la hiérarchie vaticane.

Bref, on le voit, l’Église n’est pas aveugle. L’institution ne ferme pas les yeux et se saisit des questions. Elle mène une réflexion de fond qui n’avait pas besoin de la « prise de conscience » d’Anne Soupa.

En quoi le gramscisme appliqué à l’Église fait craindre un schisme

En ouvrant une commission pour le diaconat féminin, le Vatican s’est engagé dans une démarche. Elle existe, elle est en cours. L’Église est à l’écoute et avance. Mais Anne Soupa aura du mal à le reconnaître. L’enjeu de son combat politique implique une mise en accusation de principe de l’institution. Elle ne conviendra jamais de ces progrès car ils nuisent à la rhétorique. C’est un dialogue de sourds, un peu comme si un député présentait un bilan écologique audacieux à des militants d’Extinction Rébellion qui, eux, n’exigent qu’une chose, son extinction, et n’aspirent qu’à la rébellion.

De fait, la méthode employée par Anne Soupa sape toutes les démarches ecclésiales ; elle pose bien moins des questions qu’elle n’hystérise les débats, elle divise et se situe sur un plan qui n’a rien à voir avec la vocation d’une Église « une, sainte, catholique et apostolique ».

Elle implique une opposition qui vise à l’imposer comme la grande prêtresse de la résistance sur le terrain métapolitique, de la même façon que Greta est la pythie du climat dans le chaos primordial de Naomi Klein.

Sa démarche est un facteur de division au sein de l’Église de France alors même que l’actuelle commission mise sur pied par le pape François a une visée universelle. Le geste d’Anne Soupa ne peut en effet avoir de portée qu’au sein de l’hexagone, oubliant par là que les avancées des droits des femmes sont différentes selon les sociétés. Or l’Église est universelle et présente partout dans le monde. Ce qui apparaît naturel et souhaitable à un catholique aujourd’hui en France ne l’est pas forcément pour notre frère en Christ du Congo, des Philippines, de Madagascar ou du Pérou. Mais précisément, lorsque le pape tranche, il pense à ce milliard de fidèles dont il est le pasteur, pas simplement aux essayistes féministes qui plaisent à un petit milieu français progressiste. Si le synode sur la famille n’eut pas de conclusions révolutionnaires, ce n’est pas parce que les représentants des pays occidentaux étaient minés par les tradis mais parce que le Congo avait voix au chapitre. Ce qui est très bien.

Mais l’universel ne semble pas le souci principal de la Conférence catholique des baptisé.e.s francophones, dont le militantisme se limite à la France et au Québec. En fédérant son milieu, Anne Soupa ne fait que l’amener, par la défiance, à sortir petit à petit de l’Église sous prétexte de mieux la rejoindre. C’est ainsi que le schisme progresse à mesure que la division s’installe.

 

Illustration : Francesca Di Giovanni, vice-ministre à la Secrétairerie d’État, sainte Thérèse d’Avila, docteur de l’Église. Quand on veut servir l’Église et, par là-même, la cause des opprimés, il y a plus efficace que de briguer l’évêché de Lyon.

 

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