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Peut-on vraiment relocaliser ?

Relocaliser les industries est devenu le nouveau mantra des politiques français. La mondialisation permet-elle d’envisager un changement de politique aussi radical ?

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Peut-on vraiment relocaliser ?

La question largement débattue, avant la crise, a accru sa pertinence lorsqu’il s’est agi de s’approvisionner en masques, matériels médicaux et molécules médicamenteuses en Chine ou en Inde. Pour faire des économies et combler le trou de la Sécurité sociale, on n’avait trouvé rien de mieux, en dehors de la réduction des personnels et des lits d’hôpitaux, que de se laisser prendre à l’idéologie du « juste à temps », soit le flux tendu, qui postule l’absence de stocks et la baisse des coût des matériels en question. Il est donc apparu que des « relocalisations souveraines » s’imposaient, mais leur évidence n’est pas avérée dans tous les domaines, loin de là, des paramètres nouveaux issus de la crise sanitaire plaident pour une certaine continuité voire un renforcement des localisations externes. Dans d’autres domaines l’urgence souveraine devra s’imposer. Macron et Le Maire le disent sur un ton martial… mais après avoir dit le contraire.

La question des coûts

Admettons que la question des coûts soit la principale motivation des délocalisations, il est clair que la situation économique induite par la crise ne va pas permettre l’augmentation des coûts salariaux, primes et augmentations ne suivront pas. En revanche, il est possible que les charges sociales augmentent de nouveau, la Sécurité sociale vient d’emprunter 70 milliards placés par la CADES sur les marchés internationaux pour financer son déficit qui ne serait pas comblé avant 2033 ; à rebours, l’augmentation du chômage va induire une modération des coûts salariaux sauf dans les secteurs à pénurie (le numérique, par exemple). In fine, l’équation devrait donner une baisse des coût salariaux qui pourrait permettre, au moins, d’assurer une concurrence interne à l’Europe et de rendre moins compétitifs les ouvriers polonais ou roumains, nonobstant la question des charges sociales de ces derniers, toujours attractives pour les employeurs Français.

Il est une composante actuelle de la crise qui peut, en revanche, favoriser le maintien des achats de produits manufacturés à l’étranger, c’est l’effondrement du prix du pétrole qui, pour l’instant, fait l’affaire des compagnies de porte-conteneurs. Ainsi, par exemple, les navires préfèrent passer par le cap de Bonne Espérance plutôt que par le canal de Suez (le péage en est très élevé), eu égard au faible coût du pétrole. Reste l’inconnue de l’inflation. Il n’est pas possible qu’avec les trilliards déversés dans les économies la théorie quantitative de la monnaie ne trouve pas son application[1] et que les prix ne se mettent à flamber avec une inflation différentielle selon les pays et les niches de compétitivité nouvelles. Enfin les formidables gains de productivité induits par la révolution numérique sont en train d’épuiser leurs effets et enchérissent les coûts de production.

Politique d’abord ?

Le discours d’Emmanuel Macron semble se rallier à l’idée d’une reconquête de la souveraineté. Opportunisme ou réalisme, ce n’était en tout cas pas sa conviction encore en ce début d’année. Mais la relocalisation ne se décrète pas : est-ce par la nationalisation d’une partie de l’industrie pharmaceutique ou de Renault par exemple ? Est-ce par l’élévation des barrières douanières pour freiner l’incitation à disperser les chaînes de valeur mondiales ? Pourrait-il reprendre l’idée de Sarkozy d’une TVA sociale qui permettrait de faire payer les charges sociales par les importations ? Ces nationalisations se feront-elles par prise de participation dans le capital des grandes firmes du secteur de la pharmacie ou de l’industrie manufacturière ? Quant aux aides financières publiques, elles n’ont pas démontré leur efficacité : entre 2005 et 2013, seulement 6 % d’entreprises ayant relocalisé avaient utilisé les aides publiques. C’est pourquoi Sanofi a annoncé de son propre chef son intention de créer une entité qui réunirait une partie des sites de fabrication de principes actifs du groupe en Europe. La proclamation un peu rapide d’une démondialisation en marche n’est certainement pas acquise. Une certaine relocalisation avait d’ailleurs commencé, avant la crise, essentiellement fondée sur des effets de coût (proximité, normes, fluctuations monétaires). Mais dans les affaires Alstom, Latécoère et tant d’autres, Macron avait montré sa vassalisation à l’Amérique et ses proclamations sur la souveraineté sonnent faux ou bien relèvent du wishful thinking.

Activités immatérielles

Quant aux activités immatérielles et aux services, ils sont insensibles aux barrières douanières ou aux coûts de transport. Le télétravail a joué un rôle ambigu pendant la crise, il s’affranchit de toute localisation, en France, et cela peut aussi bien permettre de revivifier les « périphéries » que de localiser certaines tâches à l’étranger sans quitter le territoire.

Les activités immatérielles et les services sont insensibles aux barrières douanières.

Reste le secteur manufacturier. Il n’est pas de machine ou de véhicule qui n’aient de composants électroniques. Le syndicat national des entreprises de sous-traitance électronique (SNESE) indique que 80 % de nos livraisons de circuits imprimés en France viennent de Chine. La France ne compte qu’une dizaine d’entreprises spécialisées qui fournissent, pour la plupart, des marchés de niche comme la défense ou l’aérospatial, soit environ 0,5 % du marché mondial. De même, les données numériques sont un « enjeu de souveraineté » pour la France. En matière de centres de données, notre pays possède une entreprise française, OVHcloud, qui fait partie des meilleures sociétés européennes. Dans ce domaine jouent les fameux investissements directs à l’étranger (IDE), qui font que les entreprises du monde cherchent à s’installer sur le territoire national, en raison de la qualité de ses formations, d’une électricité moins chère qu’en Allemagne (merci le nucléaire… mais Macron veut fermer Fessenheim) et d’un bon réseau de télécoms et de voies de circulation. Reste que le marché est largement dominé par Amazon, Microsoft, Google et IBM et, en Chine, par Alibaba.

Matières premières et agro-alimentaire

Cobalt, gallium, nickel, lithium et quinze lanthanides (éléments chimiques dont le nombre atomique est compris entre 57 et 71) : autant de terres rares nécessaires aux outils numériques et au secteur l’énergie, la composition des batteries, par exemple. Présents un peu partout sur la planète, ils sont surtout extraits par la Chine en raison du coût de sa main d’œuvre et de son savoir technologique. Le pays est devenu le premier producteur au monde de ces minerais et il achète la production des autres, un quasi-monopole qui ne pourrait lui être retiré sans grandes difficultés.

« Déléguer notre alimentation à d’autres est une folie » (Macron le 12 mars) : la sienne et celle de ses prédécesseurs ? La France reste une puissance agricole, elle est leader en Europe concernant les productions végétales (18 % de la valeur des productions européennes) et les productions animales (15 %) mais sa production stagne en volume face à celle de ses concurrents. En 2018, l’Allemagne a exporté plus de blé que la France, un comble quand on connaît la modestie de la surface agricole utile germanique. La France fait partie des pays ayant perdu le plus de parts de marché au niveau mondial depuis 2000. Alors qu’elle était le troisième principal exportateur mondial en 2005, elle occupe désormais le sixième rang, affirme un rapport sénatorial. Elle importe désormais près d’un fruit et légume sur deux contre un tiers en 2000, les importations de volaille représentent 34 % de la consommation intérieure de volailles en 2017 alors qu’elle ne comptait que pour 13 % en 2000. « Cela est dû à une explosion des importations en provenance de Pologne, de Belgique et des Pays-Bas », souligne le rapport. Il y a une forte demande alimentaire de local, celle-ci est en cours, elle est souvent biologique ; on ne peut que s’en féliciter. Pour autant, relocaliser en France pose le problème des coûts de la main d’œuvre et des normes sanitaires : le bio local est consommé plutôt par les bobos tandis que la consommation populaire, de type hypermarché, demeure toujours à la recherche du prix le plus bas.

L’exemple américain, l’Alena 2.O

Le libre-échange dominant depuis un quart de siècle a subi à la frontière mexicaine une cuisante défaite. Onze fournisseurs américains ont annulé leur implantation alors que d’autres gèlent leurs investissements. À San Luis Potosi (1,3 million d’habitants), capitale de l’État du même nom, l’automobile représentait les deux tiers de l’industrie. Le secteur était dopé par l’Alena, qui a supprimé les droits de douane, transformant Ciudad Juárez en centre de production reconnu à l’échelle mondiale après l’ouverture des entreprises délocalisées important leurs matières premières des États-Unis, les maquiladoras. En 2019, par la volonté de Trump, ce modèle fondé sur la compétitivité d’une main-d’œuvre à bas prix a subi un sérieux coup d’arrêt. Mais, beaucoup plus que les taxes douanières un peu faciles, l’accord, imparable, portait sur les normes sociales de telles sorte qu’aucun salaire des maquiladoras ne soit inférieur de 70 % aux salaires du côté américain. L’USMCA (United States Mexico Canada Agreement), renégociation imposée par les États-Unis, a duré treize mois, le gouvernement américain imposant également d’importants tarifs douaniers, notamment sur l’acier et l’aluminium, en invoquant des motifs de « sécurité nationale ».

Sur ce dossier qui est loin d’être clos mais dont la tendance ne peut que s’amplifier, il faut se montrer prudent. La relocalisation ne se fera pas à l’identique, le jour d’après ne sera pas celui d’avant, mais comme produire et acheter français connaissent une cote exceptionnelle dans l’opinion, il convient d’aller au-devant de cette demande qui, il y a quelques années encore, était considérée comme ringarde voire fasciste par les plus caricaturaux des observateurs.

 

Illustration : À Ciudad Juarez, où l’Alena a permis aux industriels américains de produire à bas prix sans enrichir les Mexicains et en privant de travail les Américains. Un néo-colonialisme gagnant-gagnant.

[1]  Cf. Jean Bodin (1530-1596), théoricien de la souveraineté et inventeur de la théorie de l’inflation.

 

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