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Faut-il oublier Bossuet ?

L’homme était un travailleur acharné – Bos suetus aratro –, qui se soumit à son devoir. De ses oraisons funèbres jusqu’à ses moindres lettres, il reste l’un des plus grands écrivains de langue française. Et comme on eût aimé entendre l’orateur sacré !

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Faut-il oublier Bossuet ?

Jacques Bénigne Bossuet, évêque de Meaux, a fait, ces derniers mois, l’objet de deux essais biographiques et d’une réédition de ses œuvres. Ce n’est pas mal pour un auteur que l’on ne lit plus guère, hélas. Reste à examiner quel regard notre époque porte sur le personnage …

Notre siècle n’aime pas Bossuet et, depuis la parution, pour le tricentenaire de sa mort en 2004, de la grosse biographie que lui consacra Georges Minois, la mode est à la critique, parfois à l’anachronisme, tant les historiens actuels s’échinent à vouloir tirer le bilan de sa vie à travers le prisme déformant de nos mœurs.

La biographie, non dénuée de qualités pourtant, notamment en raison de l’abondance de citations permettant au lecteur de pénétrer d’emblée dans l’œuvre et la pensée de Bossuet, que Joël Schmidt publie – Bossuet, Salvator, 2017 – donne dans ce travers. Au point que l’on peut se demander s’il est encore possible, pour beaucoup d’historiens, de comprendre un passé avec lequel, depuis Vatican II, sur le plan religieux, ils ne communient plus.

Un homme de talent et de son temps

Né à Dijon le 27 septembre 1627 dans une famille de parlementaires bourguignons restés fidèles à la Couronne au temps de la Ligue, Jacques Bénigne est promis à l’Église. Sans doute n’a-t-il pas la vocation mais, puisqu’il accepte ce sort, et sans jamais donner dans une austérité dont il avoue qu’elle est contraire à son tempérament et nuit à son travail, il s’efforcera d’être un bon prêtre puis un bon évêque. L’influence de saint Vincent de Paul, son ami, auprès duquel, en 1652, il fait sa retraite d’ordination, est, en ce domaine, déterminante. Et c’est encore Monsieur Vincent qui l’introduit dans la Compagnie du Saint-Sacrement.

Voilà l’un des grands griefs que lui fera la postérité… Caricaturée par Molière à travers Tartuffe, la Compagnie est restée, à tort, dans l’histoire comme une sorte de pouvoir parallèle, intolérable police de la pensée aux mains de faux dévots qui s’en seraient servis pour imposer leurs vues et s’approcher, avec la protection d’Anne d’Autriche, des sphères du pouvoir. Ce serait donc par ambition que Bossuet y aurait adhéré, car elle favorisait l’ascension de ses membres. En fait, la Compagnie, si elle connut des dérives fâcheuses, avait pour but de favoriser la mise en œuvre de la Contre-Réforme en France. C’est dans une volonté d’avancement spirituel qu’elle attira le jeune théologien. Ce choix le rendit vite suspect à Louis XIV qui détestait le parti dévot et l’éradiqua sitôt sa mère disparue.

Mauvais départ pour un homme que la postérité accusera d’ambition et de courtisanerie …

En veut-on la preuve, de cette courtisanerie, cette flexibilité qui fit dire à ses ennemis que Bossuet « n’avait pas d’os » ? En 1662, invité pour la première fois à prêcher le carême devant le Roi et la famille royale au Louvre, honneur insigne reconnaissant les qualités d’un orateur sacré, Bossuet, après avoir osé fustiger l’adultère du souverain avec Mlle de La Vallière, se rendant compte du mécontentement du souverain, aurait soudain changé de ton.

Joël Schmidt, pour sa part, voit, quant à lui, dans ce fameux carême, une occasion tonitruante de dénoncer les maux de la guerre, la pauvreté, les souffrances du peuple, faisant de Bossuet un abbé « social » avant l’heure. C’est se tromper d’époque. Le revirement supposé de Bossuet en cours de route n’allait pas lui éviter une disgrâce qui dura quatre ans mais ne l’affecta pas tellement, puisqu’elle lui permit de se consacrer aux affaires du diocèse de Metz, où il était incardiné. Personne, en fait, ne s’offusqua d’entendre un prêtre dénoncer en chaire les vanités mondaines, l’égoïsme des riches et rappeler le Roi à ses devoirs. D’ailleurs, Louis XIV, passée l’irritation causée par le départ de la favorite, réfugiée chez les Visitandines de Chaillot, ne fut pas avare de sa faveur envers le prédicateur, qu’il nomma, en 1670, précepteur du Dauphin.

Tâche ingrate, car le prince s’avérerait un piètre élève et Bossuet, qui n’aimait pas l’enfance et l’adolescence, ces « âges inutiles », fâché de surcroît de devoir renoncer à son diocèse de Condom, un piètre pédagogue, malgré l’excellence livresque de son programme.

Homme d’Église et homme du Roi

Au vrai, homme d’Église et sujet totalement dévoué, Bossuet put rarement faire ce dont il avait envie et consacra l’essentiel de sa vie à des devoirs éloignés de ses aspirations personnelles. Obséquiosité ? Dans un bref essai, qui laisse un peu le lecteur sur sa faim, d’autant qu’il est remarquablement écrit, Bossuet, la voix du Grand Siècle (Le Cerf. 2017), Arnaud Odier perçoit mieux ce dilemme. Là où d’autres voient les palinodies, bassesses, faiblesses de courtisan, ou, au contraire, des audaces presque invraisemblables face à un pouvoir que Schmidt n’hésite pas à qualifier de « totalitaire », Arnaud Odier sent les tensions entre des devoirs moins contradictoires que nous feignons de le croire. Bossuet, sans se manquer à lui-même, pouvait tour à tour dénoncer les péchés de la cour et servir le Roi, notamment dans l’affaire de la régale, qui le posa en champion du gallicanisme, lui aliéna Rome et le priva définitivement du chapeau cardinalice. Il était pareillement dans son rôle.

Comme il l’était lorsqu’il prononçait les oraisons funèbres qui feront tant pour sa gloire. Était-il complaisant en ne rappelant point les vices et les fautes du Grand Condé, protecteur attitré de sa famille auquel il était profondément attaché, ou comprenait-il qu’au tribunal de Dieu et de l’histoire, le vainqueur de Rocroi, converti, l’emporterait sur le prince débauché, homosexuel et libertin ?

La foi avant tout

C’est devant le mystère des fins dernières, objet de ses réflexions depuis qu’en 1648 il avait composé Sur la brièveté de la vie et le néant de l’homme, texte de jeunesse d’une étonnante maturité qui inaugure le volume consacré à Bossuet dans la collection Bouquins – Élévations sur les mystères, Méditations et autres textes, Robert Laffont, 2017 – que Bossuet se révèle dans sa grandeur. Il n’est pas un saint, certes, et ne prétend pas l’être, mais il est, à un degré dont nous ne sommes plus capables, pénétré de la grandeur divine et de la misère humaine, ainsi que du drame de la Rédemption. Pourtant, cette intelligence foudroyante, cette plume d’une force inégalable, savent s’abaisser au niveau du lecteur ou de l’auditeur, les amener à pénétrer à leur tour au cœur de notre foi. C’est une catéchèse que l’évêque de Meaux propose finalement, lui qui se souciait tant de rendre la doctrine catholique accessible et aimable à tous, à commencer par les tenants de la religion prétendue réformée qu’il s’ingénia à convertir par la douceur et la raison, jamais par la contrainte qu’il abhorrait. Sans doute, dans ces textes, Bossuet n’atteint-il pas la flamboyance des oraisons mais il continue, dans ces expositions que l’on ferait bien de lire, à enseigner. Aujourd’hui comme hier, tout catholique tirera profit à prendre le Carême du Louvre, les Méditations sur l’évangile, le Discours sur la vie cachée en Dieu. Le Père dominicain Renaud Silly, qui présente cette édition, est d’un précieux secours pour se situer dans les débats du temps, les controverses, les genres littéraires à la mode.

Bossuet, Arnaud Odier le souligne à raison, perçut, plus tôt que ses contemporains, le changement de mentalité introduit par le cartésianisme et combien ce système de pensée viendrait renforcer ce libertinage qu’il dénonçait. En germe, ce que devinait l’évêque de Meaux, c’était le triomphe d’une pensée philosophique destructrice, à terme, des fondements mêmes du royaume de France, le respect du trône et de l’autel. Dès lors, la sévérité mise dans la lutte contre le quiétisme s’explique aussi par l’inquiétude que causait au prélat la pensée fumeuse de Fénelon, ce « cygne de Cambrai » que l’on opposera à « l’aigle de Meaux ».

Comment donner tort à Bossuet, si l’on songe que l’éducation de Louis XVI, et ses conséquences, seront le fruit du fénelonisme ?

Bossuet. Joël Schmidt, Salvator, 294 p, 22 €
Bossuet. La voix du Grand Siècle, Arnaud Odier, Ed. du Cerf, 192 p, 14 €
Elévations sur les mystères, méditations et autres textes, Jacques-Bénigne Bossuet, Renaud Silly, Robert Laffont – Bouquins, 1728 p, 35 €

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