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Poésie et vérité

N’est-ce pas un plaisir de trouver de-ci de-là dans la littérature contemporaine quelques perles de poésie et de la plus belle eau ?

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Poésie et vérité

La poésie n’est pas la vérité, confondre les deux serait même la marque propre de la folie romantique. Néanmoins, il y a une manière poétique de dire la vérité qui la rend plus exacte autant que plus belle. C’est celle-là que Sorj Chalandon a choisi pour son dernier roman, Le jour d’avant (éd. Grasset), un de ses plus beaux livres.

Le sujet apparent pourrait faire peur : la catastrophe minière de Liévin, qui fit 42 morts en décembre 1974. Entendons-nous bien : il fait peur littérairement parlant, parce qu’on se dit que voilà peut-être un roman document qui va remuer les entrailles à peu de frais, un avatar bancroche de Germinal ou de quelques autres produits du réalisme journalistique, surchargés de sentiments forcés. Mais je vous rassure : il n’en est rien.

Seulement, voilà le critique bien embarrassé. Parce qu’il voudrait montrer combien ce livre est neuf, et qu’il ne le peut pas sous peine de dévoiler ce qui ne doit pas l’être dans un article d’invitation. Il en est donc réduit à demander qu’on le croie sur parole.

Il lui est permis cependant de dire que les personnages sont creusés à la gouge, ce qui donne à leurs caractères un relief vertigineux, y fait entrevoir des creux qui sont des puits. N’allez pas croire à une facilité de style de ma part. Sorj Chalandon a décidé de nous faire aimer des hommes dont l’âme est vraiment un paysage, et non un paysage choisi, mais un paysage subi, et cependant aimé à la folie. Naître au pays des mines, c’est naître avec des fosses en soi, des filons obscurs et grisouteux, des veines noyées de poussière charbonneuse, des impasses abandonnées et des chemins perdus. Naître au pays des mines, c’est naître pour descendre vivant dans la mort, comme un choix, comme une décision d’accepter le destin qui fait de vous un captif. On a beau aller au cinéma et se prendre pour Steeve Mc Queen, comme fait le héros, Michel Flavent, on ne pourra jamais s’évader de la terre qui vous porte, vous happe et vous dévore. On pense à l’admirable vers de Racine : « Je me livre en aveugle au destin qui m’entraîne », et il faut le ruminer à chaque page, parce que ce roman d’aujourd’hui est en vérité une tragédie antique.

La fin nous révèle en effet une grandeur à la Sophocle. Michel y devient comme un autre Œdipe, qui rêve de se crever les yeux : « Je voulais qu’on en finisse. […] Que les lumières s’éteignent. » On comprend mieux alors les conclusions d’un psychiatre qui l’a examiné : il est parfaitement normal, ce qu’il fait est profondément digne, il faut le laisser aller au bout de son projet mystérieux, à travers sa nuit.

Œdipe n’est pas fou, nous le savons depuis que nous avons lu le chef-d’œuvre du plus humain des tragiques grecs. Michel Flavent n’est pas plus fou que cet antique héros du labyrinthe aveugle où nous place le destin, pour voir comment nous allons en sortir.

Voilà, je ne vous ai rien dit de l’histoire, parce qu’il faut y entrer par une lecture passionnée, trouée de songes fraternels.

 

Le poète Jean Berteault est un autre de ces « frères humains », qui rendent la vérité plus savoureuse en la regardant à leur manière. Il vient de publier son cinquième recueil, La petite robe noire (éd. Thierry Sajat). Il est fait de sonnets d’amour, de facture sage, humblement classique, dans une belle langue française savoureuse comme un pain frais, qui odore le four et les champs de blé. Le sonnet suffit à ce vrai poète, qui sait que les grands airs et l’esbroufe sont creux.

Jean Berteault nous raconte les émois d’un vieux monsieur qui s’éprend d’amitié sentimentale pour une femme plus jeune que lui, sans être un tendron. C’est tout en délicatesse, finement découpé, orné d’un humour subtil. Et les variations qu’il tire de son cœur sont infinies. Prenez le recueil du poète, vous y savourerez un air ancien et doux.

Mais puisqu’il s’agit de vous donner l’envie de le faire, voici un exemplaire de son art : « Un dimanche sans toi ».

Un dimanche sans toi ! Je t’attendais hier,
Et les roses cueillies embaumaient dans ta chambre,
Fenêtre grande ouverte au soleil de septembre,
Sur le lit ton peignoir à fleurs était plié ;

Je t’attendais, hier, le cœur en bandoulière,
Vingt fois j’ai cru entendre approcher ton Audi,
Puis j’ai déjeuné seul, lorsque eut sonné midi,
Et j’espérais toujours. La veine hospitalière

A brusquement tari, le soir venu. Alors
J’ai refermé la chambre et mis le chat dehors,
Qui rêvait sur ton lit, en quête de caresses,

Les roses se fanaient, j’ai rangé le peignoir,
Presque la larme à l’œil, oui, sans qu’il y paraisse,
Et j’ai bu mon café tout en broyant du noir.

Qu’en dites-vous ? Vous en redemandez, n’est-ce pas ?

Voici du plus poignant. C’est la chute d’un sonnet intitulé « Le retour » :

Je ne demande rien que le plaisir amer
D’endurer près de toi ma faim inassouvie.

Mais ne restons pas sur ce chagrin.
Voici quelques morceaux en éclats de « La petite-fille », un vieillard s’ennuie :

Seul dans sa chambre, seul, guettant à sa fenêtre
Le premier passant qui lui sourira, peut-être…
Ou sa petite-fille offreuse de printemps ;

Elle surgit un matin, au coin de la rue,
Et bientôt il ne s’en veut plus de l’aimer tant,
Tant est grand son bonheur qui lui brouille la vue !

Bouleversant, non ? Et puisque les fêtes approchent, pourquoi ne pas vous signaler la sortie du tome 3 des Histoires de Mamie de Jocelyne Delatte (édité par la Société des Écrivains) ? Vous pourrez l’offrir sans crainte à vos enfants et petits-enfants, et comme vous le lirez avant, vous garderez votre exemplaire pour vous, et en commanderez d’autres pour eux. Jocelyne Delatte est une mamie qui n’habite pas très loin du Canal du Midi. Elle ne raconte que des histoires vraies qu’elle a glanées aux alentours de son coin de campagne, et pour en donner la preuve, elle agrémente ses histoires de photos qu’elle a prises elle-même. Ses récits sont d’une fraîcheur savoureuse, elle nous y fait rencontrer des gens simples et des animaux qui sont cousins des héros des fables et des contes. Son art est sans apprêt, tout ourlé de gentillesse, de tact, d’appétit pour les bonheurs de ce monde. On pense parfois en la lisant au Daudet des Lettres de mon moulin, ailleurs, au Trésor des contes d’Henri Pourrat. Humble littérature, certes, qui n’en est pas moins un enchantement !

Le jour d’avant,
de Sorj Chalandon, Editions Grasset, 336 p, 20 €.

Le jour d’avant - Politique Magazine

 

La petite robe noire,
de Jean Berteault, Editions Thierry Sajat, 95 p, 12 €.

La petite robe noire - Politique Magazine

 

Histoires de Mamie,
de Jocelyne Delatte, Ed. Société des Écrivains, 114 p, 29,27 €.

Histoires de Mamie - Politique Magazine

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